7 et la terre

LE POÈME CÉRAMIQUE (extrait)

(…) Si l'on se représente déjà mal la durée géologique et l'activité de métamorphose qui s'y accomplit, on imagine encore moins bien que ces roches sur lesquelles nous marchons, qui nous apparaissent immuables, ne sont qu'à telle ou telle étape de leur évolution cyclique et qu'ainsi il n'y a pas pour elle d'état définitif.

Surgi des profondeurs, le granite éruptif se sédimente en argile qui, entraînée à nouveau en direction du centre, est recuite aux approches du magma, ce four terrestre, pour recristalliser et refaire à nouveau surface en raison de mouvements tectoniques, et ainsi de suite. « Grains de sable ou argile, nous ne saurons jamais combien de fois ces “ vils sédiments " ont été gneiss ou granite et quand ils le redeviendront. » Personne ne remarquera jamais rien de ces métamorphoses, une vie d'homme n'étant que l'ombre d'une seconde de l'existence de la roche. (…)

Sur plusieurs points en effet ces processus se rejoignent. En résumé, disons que le potier, lui aussi, fait évoluer l'argile en la rapprochant du feu qui transforme le sédiment en une nouvelle roche. Mais alors qu'il produit dans son four une part des conditions naturelles de l'évolution de l'argile, il soustrait pour finir celle-ci à son cycle de métamorphoses, il l'arrache à la durée géologique qui est cyclique pour l'introduire dans une durée céramique, linéaire, qui, elle, est à l'échelle humaine. (…)

Daniel de Montmollin