Exposition commune avec Jean-Pierre Chollet et Sylviane Perret, céramistes. 30 vues
© Crédits photos : JP Arles, D. Baratz, F. Monsérat, L. Panziera
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En pénétrant dans la grande salle du Centre Céramique de Giroussens, on est d’emblée frappé par une puissante sensation de plénitude et d’émotion. Une lumière mystérieuse émane du somptueux « Miroir » d’Annie Baratz, grand dyptique aux tons nuancés de gris argent et blanc, couleurs de ces brumes oscillant entre le rêve et le réel, l’éther et la matière ; à ce tableau magique et poétique font écho les céramiques blanches de Sylviane Perret, rocs et falaises de grès endormis sous un épais émail de neige qui, tels les paysages montagneux, laissent percevoir leur puissance sous leur manteau de sérénité.
De cet état de rêverie les œuvres nous mènent vers un monde de plus en plus minéral et tellurique, où la matière a la densité de la pierre et l’émail l’exubérance d’une cascade. Les blocs shinos gris et orangés de Jean-Pierre Chollet dialoguent avec les toiles de la série «inspiration en ocre» ; de même l’installation au sol de ses grandes pièces, sphères et carapaces, brutes ou émaillées, lourdes et sombres, répondent au noir satiné des falaises de Sylviane Perret et au jeu d’ombre et de lumière des toiles noires d’Annie Baratz.
Il ne s’agit pas d’une exposition collective habituelle, son originalité repose sur une scénographie particulière, une composition délibérée, induite par les œuvres
et pour les œuvres. D’évidence, elle a été voulue par les artistes comme un dialogue permanent dans une écoute subtile et complice en choisissant des œuvres qui évoquent entre-elles les strates
géologiques et la mémoire, l’histoire de l’humanité dans « l’obsédante et vertigineuse sensation d’exister dans un monde en irrémédiable transformation. »
Dans la deuxième salle, plus intimiste, on ressent dès l’entrée la vibration des grandes toiles à dominante ocre-jaune d’Annie Baratz, et l’on chemine le long de la ligne continue des déclinaisons de ses petits formats sur papier. Les céramiques ici sont exposées de manière plus classique, dans leur unicité, sans volonté de dialogue particulier, mêlant œuvres anciennes et actuelles : glaçures d’argiles sur bols, blocs et « carottages » pour Sylviane Perret, « anneaux de Moebius » de terre brute et stèles émaillées pour Jean-Pierre Chollet.
S’il arrive parfois au visiteur d’éprouver quelque perplexité à la vue de certaines œuvres, cette exposition sobrement intitulée « 3 » démontre clairement que l’art
contemporain est aussi un langage de beauté, de dialogue et de sincérité.
Olivier Séchaud